Artiste
« Mes parents m’ont
donné beaucoup d’amour, de confiance et de liberté. Ce qui me porte aujourd’hui,
c’est leur engagement et cette passion qu’ils avaient pour leur travail. Ils
ont consacré leur vie à l’art et je ne me sens pas le droit d’abandonner tout
cela à l’oubli », confie la vidéaste Touda Bouanani, fille du cinéaste et
écrivain Ahmed Bouanani et de la décoratrice et costumière Naïma Saoudi. Chez
les Bouanani, l’art est une seconde nature. Touda Bouanani a eu une enfance
heureuse, scolarisée à l’école Saint-Gabriel à Rabat « tenue par des Sœurs
pleines de douceur ». Elle poursuit ses études à l’École des beaux-arts de
Bordeaux et se plaît dans cette ville du sud-ouest de la France : « Je voulais
être dans un endroit où il était possible de vivre librement. » Elle devient
vidéaste. En 2003, sa jeune sœur meurt tragiquement dans un accident. Trois ans
plus tard, un incendie endommage l’appartement familial ainsi que de nombreux
documents. En 2011, son père décède : « C’est à ce moment-là que j’ai décidé de
rentrer au Maroc et de venir vivre avec ma mère qui s’était retrouvée seule. En
décembre 2012, alors qu’elle travaillait sur le film Secrets d’oreiller de
Jilali Ferhati, elle a eu un malaise. Elle est décédée le 28 décembre 2012. »
Dans l’appartement, des milliers de feuilles et de documents s’entassent.
Inlassablement, elle trie, classe, range. Exhume de l’oubli, du silence, du
secret : « Ce travail de mémoire est ma force et ma faiblesse. » Sa force parce
qu’il maintient ses parents en vie à travers leurs œuvres. Sa faiblesse, parce
qu’avec lui Touda Bouanani est continuellement confrontée à la perte précoce et
douloureuse des siens ainsi qu’à leur absence. Sa fille est aujourd’hui un
point d’ancrage lumineux à la vie. Le travail de l’artiste se partage désormais
entre ses propres créations, exposées à New York, Rabat ou encore Bruxelles, et
le travail de reconnaissance de son père à travers des projections,
présentations, éditions et expositions.