Libraire
« Les plus beaux moments de la
vie d’un libraire, ce sont les rencontres avec des lecteurs exceptionnels,
comme Abdelaziz Alami qui était à la fois banquier, poète et grand lecteur.
Quand il est mort, j’ai perdu un grand frère, un père... », se souvient,
avec émotion, Amina Alami Laaroussi qui
a su faire de la librairie Porte d’Anfa, à Casablanca, un lieu incontournable
de partage et d’échange. Pourtant, cette fervente lectrice aurait pu suivre un
tout autre chemin. À dix-huit ans, à peine son bac scientifique en poche, un
coup de foudre la lie à celui qu’elle épouse sans tarder. Elle devient très
vite
mère et s’inscrit à des cours par correspondance pour devenir expert-comptable,
une formation qui l’aidera plus tard à maintenir le fragile équilibre entre
amour de la littérature et gestion financière de sa librairie. Le projet se
concrétise en 2001, après deux ans de maturation. Les banquiers sont sceptiques
mais son mari, fervent lecteur, l’encourage : « Après vingt-cinq années vouées
à élever nos quatre enfants, j’ai pris ma retraite de femme au foyer pour me
plonger dans une activité que j’aimais. » Ce goût pour les livres, elle le
tient de son père : « Autodidacte, il avait toujours un livre à la main.
Avant-gardiste, il voulait que toutes ses filles soient instruites. » Elle
aurait aimé avoir le don d’écrire et dévore les œuvres de Yoko Ogawa ou de
James Salter. Pour elle, le livre n’est pas seulement une plongée vers d’autres
mondes intérieurs, il offre aussi la possibilité de faire de belles rencontres
: « J’avais organisé une conférence avec l’auteure libanaise Lamia Ziadé pour
son livre graphique Ô Nuit, Ô mes yeux. Après le débat, elle nous a présenté
une invitée surprise présente dans le public, Leila El Jazairia, l’une des plus
grandes danseuses orientales du XXe siècle et qui fut la compagne de
Farid El Atrache ! J’aime ces moments inattendus. » Amina Alami Laaroussi
consignera-t-elle un jour ses anecdotes dans un livre ?